Ça fait quelques jours que je rumine et que je m’installe devant mon clavier dans le but d’écrire un petit billet sur la situation actuelle. J’ai tellement le pied dedans que je ne sais pas par où commencer. C’est bête parce que ça devrait être le contraire mais comme je suis un peu biaisée, je pèse chaque mot et tente de relativiser la situation actuelle une grande respiration à la fois.
(Pas) heureux d’un printemps
Le 13 mars dernier, à l’aube du printemps 2020, fut la dernière journée où j’ai mis les pieds à l’école où je travaille comme technicienne en éducation spécialisée. Un peu comme le 11 septembre 2001, je me rappelle de tous les petits instants qui précédèrent l’annonce officielle de notre gouvernement. Nous étions bien loin de nous imaginer que le point de presse de 13 heures ce jour-là allait rapidement devenir notre rendez-vous quotidien.
Ce qui a suivi n’a pas été plus jojo. Un peu comme des brebis égarées, nous attendions les consignes de nos dirigeants afin de retrouver une certaine routine dans nos vies respectives qui ont été subitement brisées. Les semaines suivant l’annonce ont été toutes sauf claires et le début de l’enseignement en ligne s’est ensuite mis en branle. Zoom, Meet, Classroom ont remplacé les classes, les tableaux et les pupitres. Nous avons été projetés dans le futur et il était maintenant notre devoir de nous adapter à cette nouvelle réalité. Pas de bal pour les finissants ni d’adieux pour les nouveaux gradués; la planète au grand complet n’avait d’yeux que pour ce nouveau virus qui avait réussi à voyager jusqu’à nous.
Nous y sommes parvenus tant bien que mal et voilà que septembre 2020 est arrivé plus rapidement que nous l’aurions souhaité apportant avec lui son lot de difficultés. Les mots “présentiel”, ” classes-bulles ”, ” zones ” et ” éclosions ” font maintenant partie de notre vocabulaire courant. Au moment où j’écris ces quelques mots, plus de 1000 classes sont fermées un peu partout au Québec et de nouveaux cas s’ajoutent quotidiennement dans nos établissements scolaires et ce, malgré les mesures, malgré les classes-bulles, malgré les masques et les litres de désinfectant à mains. Pas question de fermer nos écoles. Il y a quelques semaines à l’émission de Paul Arcand, le ministre de l’éducation Jean-François Roberge s’opposait fermement à la fermeture des écoles avant et/ou après les vacances de Noël. À quelques semaines dudit congé, le vent a tourné sur un moyen temps et voilà que nous nous enlignons vers une fermeture devancée. C’est là que ça se corse. Comment rendre tout le monde heureux dans un contexte de pandémie. Dans les derniers jours, j’en ai entendu des vertes et des pas mûres et y’a pas mal d’affaires qui m’ont fait sourciller.
Qu’on nous accuse dans un premier temps d’être paresseux et de ne pas vouloir prolonger l’année scolaire jusqu’en juillet est solidement insultant. Si vous saviez à quel point nous travaillons à la sueur de notre front présentement pour pallier aux derniers mois et ce, dans des conditions loin d’être optimales autant pour nous que pour les élèves. C’est complètement fou en ce moment ce que nous vivons collectivement et je réalise malheureusement que l’entraide et l’empathie ne sont pas trop au rendez-vous. Nous tirons tous notre petit bout de couverte en oubliant la réalité d’autrui.
En ce moment, on nous demande l’impossible. Nous sommes habitués de pédaler, de commencer l’année dans des classes vides, de payer de notre poche la majorité de notre matériel et de ne plus compter nos heures. En date du 15 novembre 2020, je vous avoue que mon optimisme s’éteint à petit feu et que je ne vois pas la fin. Les bulletins ont changé de date, nous devons quotidiennement nous réinventer devant les regards inquiets de nos étudiants et de leurs parents parce que oui, pour certains d’entre nous, les géniteurs sont tous les jours devant l’écran aux côtés de leur enfant lors des classes virtuelles. Je les comprends de vouloir s’assurer que leur héritier ne manque aucune notion importante alors qu’il est prisonnier à la maison mais cette surveillance accrue est un poids de plus sur les épaules du personnel enseignant.
Ce que nous vivons est exceptionnel certes mais où est le soutien, le vrai, pour nos écoles québécoises. Voyant que toutes les mesures mises en place ne fonctionnent pas, voilà que ce sont les systèmes de ventilation qui sont blâmés. Sommes-nous surpris? Pas vraiment car au Québec, plusieurs de nos établissement sont en pleine décrépitude. Certaines des classes ont des fenêtres qui ne s’ouvrent pas. Oui oui, des fenêtres soudées qui empêchent carrément toute circulation d’air. Les élèves et leurs microbes macèrent dans ces locaux suffocants et après on se demande pourquoi les cas ne cessent d’augmenter.
Le nombrilisme collectif
En plus de tout ce que j’ai énuméré plus haut, j’en suis récemment venue à la conclusion que c’est même rendu lourd entre nous et je parle ici des différents collègues partout dans le réseau de l’éducation. Au début de la crise, j’ai été témoin d’une réelle solidarité mais là, j’ai l’impression que tout le monde est tellement à bout que c’est devenu une compétition de qui est le plus à bout. Je me sens comme dans Hunger Games où les alliés se font de plus en plus rares. Le stress, la pression, la fatigue et l’isolement auront eu raison de nous et ce n’est pas beau du tout.
La doudou est à veille de se déchirer en mille morceaux et chaque petit bout que nous tiendrons entre nos mains ne sera pas suffisant pour nous réconforter. Il faut s’allier, s’écouter, ouvrir le dialogue et SURTOUT se faire entendre par nos dirigants qui n’ont malheureusement pas idée de ce qui se passe sur le terrain en ce moment autant dans les écoles qu’en ligne en enseignement virtuel. Nos professions sont dénaturées, nos élèves sont brûlés et ce n’est encore pas assez.
Je suis trop fatiguée pour avoir quelconque piste de solution mais j’avais grandement besoin de ventiler avant que ma fougue et ma passion pour mon métier ne s’éteignent officiellement.
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