Démasculiniser la culture du skate un kickflip à la fois

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par ce sport et la culture qui s’y rattache. Mal-aimés, marginaux et passionnés, les adeptes du skateboard ont longtemps été boudés et c’est exactement ce fuel qui permet à leur flamme de rester allumée! Nouvellement admis aux Olympiques, ce sport, bien qu’hyper technique. a dû faire ses preuves avant d’être reconnu par les amateurs de sports. Malgré cette promotion bien méritée, la scène du skateboard, autant à l’international qu’ici au Québec, demeure un environnement masculin qui n’ouvre pas la porte à qui veut bien y entrer.

Je ne fais pas de planche à roulettes mais mon intérêt pour cette culture, ma relation amoureuse avec un adepte de skate et mes années à travailler dans les skateshops m’ont ouvert les yeux sur une bien triste réalité. En fait, comme un peu partout, le skateboard est pas mal un boys club. Créé par des mecs de la Californie et perpétué par des générations de gamins en quête d’identité, le skate commence tranquillement à ouvrir la porte aux femmes ou aux membres de la communauté LGBTQ+. À noter que j’ai bien dit “tranquillement”.

Elle est bonne pour une fille

Cette phrase qui me scie les jambes à chaque fois que je l’entends est probablement celle qu’on se fait dire le plus souvent. Annie Guglia, skateboarder aguerrie, commanditée par Vans entre autre et surtout membre de l’équipe canadienne en planche à roulettes aux Olympiques, a tout récemment publié une vidéo sur ses réseaux sociaux dans laquelle l’athlète réussi un kickflip et malgré l’encensement de ses fans, ce dernier a étonnement laissé un léger goût amer pour certains.

Certains ont jugé que le truc était “trop facile” et qu’il ne méritait pas toute cette attention alors que malgré sa réussite, ce kickflip est bien plus qu’un simple truc, c’est également tout un statement. Une femme qui réussi, qui dépasse les limites qui lui ont été imposées, ça dérange en titi. La masculinité fragile c’est un peu ça, de penser qu’une femme ne mérite pas d’exposure, d’attention du moins pas plus qu’un de leurs confrères ou que si elle y parvient, qu’il y a automatiquement anguille sous roche. C’est épuisant les boys. Lâchez-vous le poireau et allez-y au parc pratiquer vos trucs, on s’en rejase après.

When I started skating, we thought of ourselves as avant-garde, but in reality, skateboarding was very homogenous and exclusive. It was mostly straight white men who glorified only the extreme performance aspect of skateboarding. Very little diversity at all levels.

-Annie Guglia

Not so Viva la Bam

Je me rappelle encore l’époque où je travaillais comme vendeuse dans un skateshop, nous (les filles) étions les chicks de service qui embarquions une fois de temps en temps sur un longboard guidées bien sûr par nos chums. La minorité des femmes qui poussait une planche était mise dans la catégorie des “moins attirantes”, de plus “masculines” ou tout autre qualificatif qui n’avait aucun rapport avec le sport en tant que tel.

Nous avons grandi avec cette culture qui mettait de l’avant l’homme blanc occidental, saoûlon et casse-cou où les femmes n’étaient qu’accessoires. Je pense à Viva la Bam, Jackass, Battle at The Berrics et j’en passe. Les boys doivent relever des défis que ce soit de se garocher en bas de 10 marches ou de frencher une inconnue en pleine rue. Cette misogynie n’a plus sa place dans une société qui se veut inclusive et égalitaire.

Je veux d’ailleurs souligner l’émission Skate le monde diffusée sur les ondes de TV5 qui consacrait un segment entier à la réalité des femmes qui roulent et ce, dans chacun des pays visité. J’ai adoré et quelle belle façon d’initier encore plus de fxmmes à ce sport intense et ô combien technique. Prochaine saison, peut-être qu’une femme pourrait animer l’émission! Je dis ça je dis rien…

Victims voices

Dans la foulée des dénonciations, une page Instagram a été créée pour dénoncer les comportements inappropriés de certains membres de la communauté montréalaise de skateboard. Ce n’est pas un secret des dieux, le parc de planche à roulettes n’a rien d’un terrain de jeux. Les femmes ont longtemps été intimidées de pratiquer leur sport de choix parmi une foule d’hommes qui, disons, ne laissaient pas toujours leur place.

Dans les dernières années, les femmes et/ou membres de la communauté LGBTQ+ ont pris leur place, celle qui leur était due depuis longtemps. Des crews ont été créés, je pense notamment à Les Vagabonnes et Daisys Angels, à Annie Guglia qui met sur pied des événements exclusifs pour les fxmmes et à toutes celles qui tentent de briser le plafond de verre un truc à la fois.

Nous avons eu la chance d’amener nos filles en mars dernier au Taz skatepark à Montréal et d’être témoin de cette solidarité et de toute l’énergie qui émanait du parc intérieur qui m’a profondément émue. J’ai vu mes filles rouler sans gêne ni peur d’être jugées. J’ai vu des fxmmes s’entraider et se serrer les coudes et mon chum qui skate depuis près de 30 ans n’a pas fait une poussée. Pour une rare fois dans sa carrière, ce n’était pas son tour et c’était bien correct comme ça.

Je parle ici du skateboard mais cette réalité est sensiblement la même dans l’ensemble des sports que ce soit au hockey, au tennis ou en natation. Je suis loin d’être une athlète et je n’ai aucun intérêt pour les sports en général mais je fais de mon mieux pour être une humaine et je tente de transmettre ces petites réflexions à qui bon voudra bien les lire. Petit train pourra peut-être aller loin (du moins, on l’espère) parce qu’on va se le dire, derrière chacun homme ordinaire se cache des dizaines de fxmmes extraordinaires.

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