Ce matin, j’attendais en file à la pharmacie pour acheter une brosse car j’ai scrapé ma couverture de laine dans la laveuse et j’ai lu sur le web que je pouvais la brosser pour lui redorer l’allure un peu. Bref, la dame en avant de moi achetait le Journal de Montréal et s’est mise à discuter avec la caissière de la hausse des cas du virus dans les derniers jours. Deux dames d’un âge certain qui ont durement jeté le blâme sur les jeunes. Ces maudits ados qui s’opposent au masque et qui se foutent des règles. C’est d’leur faute si la deuxième vague arrive plus tôt que prévu.
L’âgisme au temps de la C*vid
Au début de la pandémie, le sort s’était acharné sur les 70 ans et plus. Nos aînés qui se rebellaient contre le système, qui refusaient de se plier aux règles ont rapidement été targetés par la population confinée dans le but de les protéger. Voilà que le vent a tourné et que la jeunesse est à blâmer. Peut-être que la leur est trop loin pour qu’ils s’en rappellent?
“Hier encore, j’avais vingt ans, je caressais le temps
J’ai joué de la vie
Comme on joue de l’amour et je vivais la nuit
Sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps” – Charles Aznavour
Perso, j’ai de la peine pour nos ados. Je me rappelle de mes dernières années au secondaire où mon temps à chiller dans les casiers, à jaser dans les toilettes et à organiser mes soirées faisaient partie de mes priorités. Ces heures passées dans les cubicules de musique à vouloir changer le monde, à frencher rapido entre deux cours et à rêver au lendemain. Nous, qui avons vécu notre adolescence sans retenue, sans contrainte, sommes extrêmement choyés. Nos 18 ans dans un bar à boire des shots de Jack Daniels, à carburer au café filtre et à manger des galettes au CÉGEP comme s’il n’y avait pas de lendemain, tout ça, ils ne le vivront probablement pas.
Philo en Zoom
Je trouve nos jeunes pas mal bons de vivre tout ça avec une belle résilience. Tout ce qui défini l’adolescence leur a été enlevé du jour au lendemain. J’ai vécu mon confinement avec mon chum et mes enfants, ça n’a pas été évident mais je n’avais pas 14 ans, enfermée avec mes parents et ma soeur (no offense), loin de mes amis et de ma vie sociale. J’étais dans tous les comités de l’école, j’ai magasiné ma robe de bal sur la Plaza St-Hubert, j’ai pleuré à mon après-bal et j’ai fumé des clopes en cachette à Lionel-Groulx parce que j’étais devenue une “adulte indépendante” qui conduisait un vieux char poussiéreux avec des CDs gravés. Mettons-nous à leur place une couple de minutes. Ce passage à la vie adulte se fera dans la peur et la sanction. Mes années au CÉGEP, je les chéries. À vrai dire, je m’en rappelle très peu car j’étais pas mal sur le party. Aujourd’hui, ces presqu’adultes ont fait leur entrée en bobettes dans leur lit. Je me connais, je n’aurais pas eu la discipline pour le faire. Si on m’avait dit que je mes cours de philo se passeraient dans mon lit, je les aurais probablement passés endormie. Ils ont le dos large nos jeunes mais doux Jésus qu’ils écopent sans trop se révolter. On jase mais toutes ces grandes étapes normales du développement seront forcément teintées par ce virus qui nous pend au bout du nez.
Nous vivons dans la peur depuis le 13 mars dernier et c’est tristement bien loin d’être terminé. Notre réflexe normal est de trouver un coupable à tout prix qui payera cher de sa peau pour ce qui nous arrive. Quand ce ne sont pas les vieux, ce sont les plus jeunes qui sont à blâmer. Pourtant, ce ne sont pas ces tranches d’âge qui chantaient du Céline au karaoké de Québec le weekend dernier.
Je le sais que c’est dur mais faisons preuve de civisme et d’empathie. Ce n’est pas évident pour tout le monde mais rappelons-nous que nous sommes tous pris là-dedans ensemble et qu’il n’y a qu’ensemble que nous pourrons en sortir. Les masques dans le visage (incluant le nez), le lavage des mains dès que vous y pensez, 2 mètres si possible, évitez de vous toucher (bah de toucher les autres plutôt) pis restez chez vous si vous toussez. Arrêtez de chialer et de viser des générations complètes. Ciblez plutôt les individus qui sont caves et de grâce arrêtez de jaser de ça avec les caissères, elles sont probablement cr*ssement écoeurées d’en entendre parler.