Les dernières fois

Quand arrive l’adolescence, on parle beaucoup des premières fois… On occulte tout un pan de l’enfance qui vient juste avant: celui des dernières fois.

En contexte covid, la normalité des choses est un peu dérangée autour de nous.  Certains faits demeurent cependant, comme le temps qui passe trop vite. On arrive enfin, les genoux un peu mous et la patience pas mal étriquée, à la fin des classes.  Tout comme nos enfants qui commencent à manifester leur impatience, il n’y a là rien de nouveau :  les beaux jours d’été donnent des fourmis dans les jambes à tout le monde.

Moment tant anticipé, certains enfants diront au revoir non pas à leurs enseignants, mais aussi à une école, un milieu de vie qui les a vus grandir. C’est le cas des élèves du secondaire, mais aussi ceux du primaire, qui disent au revoir à la section du préscolaire avec ses petites chaises, l’étroite bibliothèque, les modules colorés, les jeux de marelle, la cour d’école, les minuscules toilettes et les abreuvoirs de lilliputiens… sans vraiment s’y rendre et vivre les étapes qui précèdent ce moment et les y prépare.

Bye bye

À l’école de mon fils, on marque la fin du primaire à grands coups habituellement, en soulignant cet achèvement par un spectacle où les enfants du 3e cycle participent et se donnent corps et âme : le ByeBye. Fruit de semaines de préparation, les enfants créent des sketchs, voient à la technique, organisent ce spectacle sous la bienveillance des enseignants et des parents. Ça fait partie du cursus des « grands projets ».   Le projet était à peine entamé lorsque les écoles ont été fermées. 

Cette année, rien n’est pareil. Pas de spectacle de fin d’année de musique non plus avec ses flûtes stridentes, pas de grands déploiements, de déjeuner en pyjama, mais bien une façon « réinventée » de tracer la fin de ce passage.

Les jeunes finissants ont été convoqués à l’extérieur de l’école, mortiers faits main sur la tête, avec couvre visage de finissant fourni. Nous, les parents, feront office de chars allégoriques. On veut un peu de chaleur humaine, leur permettre de se dire au revoir et de saluer le personnel à distance. On dirait qu’on a encore plein de choses à se raconter, que la conversation n’est pas terminée.

Je ne sais pas si, comme moi, mon fils trouvera difficile de quitter physiquement l’école. Je vais lui offrir une session photos dans les environs, à défaut de le filmer en train de sortir de l’école pour la dernière fois. On ira manger une glace pour dîner – celle qu’il choisira même si c’est la plus grosse – pour fêter ça.

Il faut savoir que, comme le veut l’école alternative, les parents sont très impliqués. Ça prend un village pour élever un enfant, qu’ils disent. J’ai eu l’occasion de le constater plus d’une fois.

La parade a été suivie d’une fête virtuelle en soirée où on leur a rendu hommage un par un, avec des bulles et des habits festifs. On leur remettra aussi un album de finissants pour souligner l’événement, album qui a été préparé par des parents bénévoles et auquel on a donné une twist « ça va bien aller » avec des photos des jeunes en confinement, à défaut de pouvoir leur offrir une section-souvenir bien garnie. 

On aura été scotchés à nos écrans jusqu’au bout !

En attendant, il y eu les dernières fois : la dernière série d’exercices, la dernière rencontre de bulletin (virtuelle, évidemment), le dernier cours de français à distance, le dernier quiz d’anglais, la dernière assemblée générale. Exit la soirée des parents à l’école où on se réunit pour jaser entre adultes de nos bons coups de parents coéducateurs, verre de vin à la main. (Si j’avais su qu’il n’y en aurait pas, je serais allée l’an dernier aussi!)

Je n’aurai pas l’occasion de me faire dire encore une fois à quel point mon fils était redouté, mais aussi adoré par plusieurs parents, en étant mal à l’aise et tellement désolée des fois où il a été rushant.

Et la suite

On a eu la chance que notre fils profite de cette école extraordinaire. Une opportunité inouïe à laquelle nous nous sommes accrochés lorsque son parcours a été plus difficile. Il poursuivra son cheminement dans la même lancée — cette fois-ci dans la grande polyvalente où j’ai moi-même fait une partie de mon secondaire — avec une nouvelle équipe, des amis qui le suivent et d’autres visages. 

Une grosse boîte brune en briques où mon cœur de maman a peur qu’il se perde, qu’il s’écorche, mais où je sais qu’il va s’épanouir, se développer, vivre sa première peine d’amour, s’affirmer.

Je ne sais pas s’il se rend compte du coup que donne cette étape dans sa vie. Des fois j’ai l’impression que ça résonne plus fort dans la mienne. Je serai cette mère qui pleure, (que je jugeais un peu quand mon fils est entré en maternelle) et qui se cachera derrière son cellulaire pour prendre des photos. 

Il n’y aura pas de lunettes soleil assez grandes pour cacher mes larmes et ma fierté.

C’est connu, les enfants ont hâte d’être grands et les grands voudraient qu’ils restent petits.  En attendant, profitons des premières fois comme si elles étaient les dernières.

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