C’était une question de temps avant que nous, les techniciennes en éducation spécialisée du Québec, soyons appelées en renfort dans les CHSLD. Vous écoutez probablement la conférence de presse quotidienne de façon aussi assidue que moi et le coeur me fend en deux à chaque fois. Nos aînés tombent comme des mouches, le personnel se fait rare et tout le monde semble se lancer la balle. Après les bénévoles, les proches aidants et les médecins spécialistes, voilà que les éducatrices spécialisées et les préposées aux élèves handicapés sont invitées à donner de leur temps dans les différents CHSLD de la province. Je suis tombée sur la nouvelle il y a 3 jours via Radio-Canada: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1694690/techniciens-education-specialisee-sante-emploi-covid-19-quebec
Perso, je trouve que ça fait du sens et qu’il est important que nous puissions faire notre part. Ça ne sera pas une mince tâche étant donné les circonstances actuelles. Certaines de nos collègues travaillent déjà dans les services de garde d’urgence alors que d’autres assurent la présence parentale à la maison étant donné que les écoles et les garderies demeurent fermées pour une durée encore indéterminée.
J’ai lu un puissant témoignage d’une éducatrice à la petite enfance qui s’est rendue dans un CHSLD afin d’aider les patients et le personnel mais la dure réalité l’a rapidement rattrapée. Disons que tout ne devient pas soudainement beau et rose lorsque arrivent des paires de bras supplémentaires.
Ça sent l’urine, le désinfectant, les gens me crient après dès qu’ils entendent mes pas, ils en entendent pas souvent. Ils écoutent tous les nouvelles toute la journée, le son à 72 parce que leurs oreilles leur font défaut. J’entends à la télé “La situation dans les CHSLD est sous contrôle” C’est vrai?
Le téléphone de notre station sonne, je réponds. Une fille de patiente en pleurs, elle veut des nouvelles de sa maman. Pourquoi elle me parle à moi, je sais pas. Sûrement que je suis la seule qui a répondu. Je prends son message en note, je cherche l’infirmière de sa maman.
Les préposés sont dépassées, trop peu nombreuses. Les procédures d’hygiène prennent le bord, leur voix s’éteint. Elle a travaillé 4x 16hrs par jour dans la dernière semaine. Elle est brûlée. Quand je vais lui dire que Monsieur dans la 913 voudrait aller à la toilette, elle me roule les yeux.
Des fois, la seule personne sur l’étage c’est une Chiro. Elle a jamais changé de culotte de sa vie, elle rentre dans sa premiere chambre, Monsieur a enlevé sa culotte (sûrement tellement inconfortable depuis des heures) et il y a des excréments partout. Elle y va, fait de son mieux, nettoie le monsieur, nettoie le plancher à la débabrouillette, aucune idée elle est où la moppe. Monsieur est propre, Ok, prochaine chambre a besoin d’insuline, qu’est-ce que je fais avec ça?
Marie-Michelle funk
Au-delà des immenses défaillances dans la gestion des résidences pour personnes âgées, j’y vois un très grand élan de solidarité humaine en cette crise planétaire. Malgré les incertitudes face aux tâches qui nous seront attribuées, je pense qu’il faut dès maintenant se préparer mentalement à se rendre dans la zone chaude afin que nous puissions retrouver notre liberté le plus rapidement possible. Si votre santé vous le permet, que votre situation familiale n’est pas contraignante et que vous avez un peu de temps devant vous, gardez votre portable ouvert car il est possible que vous soyez appelées dans les prochains jours à vous joindre aux autres professionnels de la santé et des services sociaux afin de sauver le plus de vies possible.
Faut pas lâcher. Un moment donné, ça va bien finir par bien aller!
Irez-vous au front?
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