À moins de vivre sous une roche, vous savez depuis plusieurs années que l’école québécoise souffre du manque de ressources et de graves inégalités. Malheureusement, ces derniers temps, celles-ci sont de plus en plus prononcées. En tant qu’enseignante présentement en congé de maternité, je suis de près, impuissante, tout ce qui se passe.
Lorsque le gouvernement Legault a annoncé la fermeture des établissements scolaires pour deux semaines le 13 mars dernier, les directions d’école se sont mises en mode gestion de crise, plongées dans l’inconnu. Maintenant, on sait que la fermeture se prolongera au moins jusqu’au 1er mai et on ne sait pas ce qui arrivera avec cette année scolaire. Malgré cela, de nombreuses écoles, surtout privées, se sont mises à plancher sur un moyen de poursuivre l’enseignement à distance.

Rapidement, cette idée semble évidente pour les établissements qui utilisent le iPad ou l’ordinateur portable pour l’ensemble des élèves et du personnel. Cependant, une première inégalité apparait, puisque la vaste majorité des écoles publiques du Québec n’ont pas cette option. Cet écart, basé sur la richesse de ceux qui fréquentent l’établissement, ne fait que s’ajouter à la liste de ceux qui existent entre les deux secteurs (privé et public) de l’éducation au Québec. Si des élèves du privé ont l’occasion de poursuivre leurs études, même partiellement, alors que d’autres ne l’ont pas, les conséquences à long terme pourraient être observables dans la société.
Par contre, cette situation doit aussi être observée de plus près. Au sein même de la clientèle des écoles qui optent pour les cours en ligne, il y a d’autres inégalités. J’ai simplement imaginé si cette situation de confinement s’était produite alors que j’étais moi-même adolescente. Élève d’un collège privé, j’étais responsable et autonome, et j’avais de la facilité dans mes études, donc j’aurais été en mesure de suivre aisément des cours à distance. Par contre, mes parents travaillaient dans le domaine de la santé et je suis certaine que j’aurais eu à m’occuper de mon petit frère et de ma petite soeur en isolement à la maison. Étudier en même temps aurait été complexe, comme les parents qui font du télé-travail le comprennent bien ces temps-ci.
Imaginons maintenant la situation inverse: un élève avec au moins parent à la maison, mais ayant des difficultés scolaires et n’ayant pas accès à ses ressources habituelles (orthopédagogue, tuteur, etc.). Ce jeune aussi connait des obstacles pour suivre des cours en ligne. Il est même possible que son ou ses parents, travailleurs autonomes ou entrepreneurs, généralement aisés, vivent une situation précaire en ce moment, accompagnée d’énormément de stress.

Je ne vous ai exposé que deux exemples, mais il existe plein de facteurs qui creusent des écarts entre les élèves, donc des milliers de situations possibles. À mon avis, la présence, la disponibilité, la compétence dans les matières scolaires et la situation économique du ou des parents ont beaucoup à jouer dans la réussite actuelle des jeunes. Il faut aussi penser à l’environnement, à la compétence technologique et à la santé physique et mentale de l’élève, qui entrent en ligne de compte.
En somme, à moins d’être un jeune en bonne santé, avec un parent enseignant à la maison, un espace de travail adéquat et un appareil technologique en bonne condition, il peut être difficile, voire impossible, de suivre adéquatement des cours en ligne. À mon avis, il est prématuré de mettre en place des plateformes d’enseignement à distance pour les élèves du secondaire. C’est même une mauvaise idée. Laissons le temps de nous adapter à la situation et de voir comment elle se développe. Même si les jeunes du primaire et du secondaire au Québec manquent plusieurs mois d’école et que la reprise est inévitablement ardue, ils acquerront d’autres compétences en temps de crise, qui seront essentielles pour le monde dans lequel ils évolueront.
Pour terminer, je voudrais souligner l’importance des actions que mes collègues enseignant.e.s font tous les jours et aussi des parents qui accompagnent les jeunes dans le parcours scolaire! J’espère que cette situation mènera à une meilleure collaboration de tous les acteurs du milieu scolaire et une grande reconnaissance du travail d’éducateur.rice.
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